TRACFIN1 a publié le 08 décembre 2016 son rapport d’activité pour l’année 2015. Les principales conclusions sont présentées ci-après : la mobilisation accrue des professionnels, la persistance des schémas traditionnels du blanchiment de capitaux et l’émergence de nouveaux risques.

Un volume de déclarations de soupçon en forte hausse mais d’une qualité perfectible :

Variations 2015/2016 au 30 septembre :

  • 47 033 déclarations de souspçon adressées à Trafin, + 49 %,
  • 8 426 enquêtes réalisées, - 3 %,
  • 1 362 notes de transmission, + 17 % dont :
    • 284, + 1 %, de transmissions judiciaires,
    • 1 078, + 23 %, de transmissions administratives.

 

blanchiment dargent

Une mobilisation des professionnels du secteur financier :


93% des déclarations de soupçon émanent des banques et établissements de crédit, du secteur de l’assurance, des établissements de paiement et des changeurs manuels. Les autres proviennent des administrations partenaires de Tracfin, des autorités de contrôle des professionnels soumis au dispositif réglementaire LCB/FT2 et des cellules de renseignement financier étrangères.
Qualitativement, une part trop importante de ces déclarations restent incomplètes et n’ont pas fait l’objet d’une analyse préalable pertinente.


Un investissement moindre des professions non financières :

A l’exception des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires qui ont fourni en 2015 un réel effort quantitatif et qualitatif d’autres professions restent peu concernées alors qu’elles sont sujettes à des risques élevés en matière de fraude, de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme telles que les professions immobilières, de l’art, les experts-comptables ou commissaires aux comptes, les avocats, les sociétés de domiciliation, les agents sportifs.

Les schémas traditionnels du blanchiment des flux financiers illicites subsistent :

Les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme du système français sont analysés par Tracfin au travers de trois dimensions, les menaces, les vulnérabilités en fonction des différentes étapes du blanchiment de capitaux et les conséquences induites.

Les menaces :

Cinq menaces sont recensées : le financement du terrorisme, les menaces criminelles, la corruption et les escroqueries non liées à des réseaux criminels organisés.

Les étapes du blanchiment de capitaux :

  • Le blanchiment d’argent liquide ou la phase de placement : les moyens sont le jeu, les espèces via les cartes de paiement prépayées, le travail dissimulé, l’échange d’espèces contre de la monnaie scripturale (fausses factures), les circuits de transport d’espèces clandestins,
  • Le blanchiment en compte courant ou la phase d’empilement au travers des comptes bancaires, de collecte et d’évasion vers l’étranger, les crédits documentaires et différents schémas associant espèces et comptes bancaires, etc…,
  • La phase d’intégration via des opérations immobilières, point sur lequel le système français est particulièrement exposé, ou d’autres vecteurs : rachats de sociétés, placements financiers,…

Des risques émergeants liés à la révolution technologique dans les services financiers :

En plus de l’exploitation des informations réceptionnées, une veille active est nécessaire sur des sujets émergents ne faisant pas encore l’objet de déclaration de soupçon.

Ce sont essentiellement les risques liés à la révolution numérique des services financiers :

  • Les prestataires de services de paiement ou émetteurs de monnaie électronique agréés dans un pays de l’Union Européenne peuvent proposer leurs services en France sous le régime de la Libre Prestation de Service (LPS) ou du Libre Echange (LE) alors que la réglementation et les statuts qui encadrent leur activité en matière le LCB/FT ne sont pas harmonisés au niveau européen et moins rigoureux que ceux imposés par l’autorité de contrôle francaise (l’APCR).
  • Les plates-formes de financement participatif (crowdfunding) disposent aujourd’hui, en France, d’un cadre juridique mis en place en 2014 cf. notre article «Financement participatif : crowdfunding, crowdlending, equity-crowdfunding de quoi s’agit-il ? ». Avant cette date, les plates-formes de dons qui n’optaient pas pour le satut d’IFP3 n’étaient pas assujetties au dispositif LCB/FT, de même que les cagnottes en ligne qui présentent pourtant autant de risques. Là encore un cadre juridique européen devient essentiel.
  • Les services de paiement par téléphone mobile : les services de transfert d’espèces par téléphone mobile se développent aujourd’hui en France. Les risques LCB/FT sont de même nature que ceux des services de transmission de fonds avec des bénéficiaires, lors d’envois vers l’étranger, encore moins identifiables.
  • La monnaie virtuelle sans statut juridique, elle favorise l’anonymat des transactions et facilite le passage entre l’économie légale et l’économie souterraine. C'est le cas notamment des blockchains gérant un grand nombre de transactions financières ne passant plus par un tiers de confiance (banque, notaire, ...) et dont la cohérence ne se vérifie que par les membres du réseau, cf. notre article "Les entreprise vont elles se financer en dehors des banques ?". Une révision des textes européens devrait permettre d’assimiler la monnaie virtuelle à une monnaie ou un instrument de paiement.

 

Ce rapport d’activité 2015 de Tracfin souligne les progrès effectués pour mieux cerner les risques pesant sur le système français en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme mais interpelle aussi tous les professionnels financiers ou non financiers sur leur devoir de vigilance et la nécessité d’informer et de former leurs équipes afin qu’elles actualisent leurs compétences par rapport aux plus récentes analyses sur les pratiques et méthodes utilisées d’une part et, qu’elles améliorent la qualité des informations remontées via les déclarations de soupçon d’autre part.

Notre formation « La lutte anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme » est actualisée en permanence par rapport à la réglementation en vigueur et illustrée à partir des cas répertoriés par les différentes organismes de contrôle en France et à l’étranger. Elle propose notamment des ateliers de réflexion et des travaux pratiques (workshop) sur la détection des pistes d’alerte, la connaissance du client par le déclarant « KYC », la déclaration de soupçon, les informations à mentionner, les pièces à joindre, etc.

 


 

1 Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits FINanciers clandestins.

2 Lutte Contre le Blanchiment d’argent et le Financement du Terrorisme.

3  Intermédiaire en Financement Participatif.